samedi 29 juin 2013

axebô




Notre vision du monde n’est pas une question de lunettes mais plutôt d’étui à lunettes. Ou alors de souplesse cervicale, d’inclinaison du visage, d’angle de vue. La preuve ça fait déjà presque un mois que j’ai mes nouvelles lunettes sans avoir remarqué que le monde n’est plus aussi beau. Ayant moins de travail, j’aurais pu me consacrer à ce que j’aime : la mer pour y nager, la musique pour y danser, la langue pour l’assouplir, la voix pour la faire chanter. Au lieu de. M’agiter dans l’eau trouble d’un bocal plongé dans le noir. Heureusement je suis un poisson chanceux (un poisson à lunettes) car j’ai appris à lire. Sur l’étui à lunettes, est inscrit Axebô. Et les écailles me sont tombées des yeux. Et j’ai chanté Ah que c’est beau ! Alors la lumière se fit. Je me suis rendue compte que non seulement l’eau était transparente comme l’air, mais aussi qu’il n’y avait pas de bocal. L’air de rien je n’avais. Ni branchies, ni nageoires. Mais des jambes qui dansaient, de la musique dans mes oreilles, et une langue et une voix pour chanter Axebô.

Vivre et faire vivre, disait-elle ce matin.





mardi 25 juin 2013

fute-fute




On dit qu’chuis pas très fute-fute, la preuve faut l’dire deux fois, pour être chûr que mon cerveau gris (on m’a dit que ma matière à réfléchir à moi elle est grise) imprime l’information. Ch’comprends pas pourquoi l’accent aigu de futé disparaît d’ailleurs. Ailleurs d’accord mais où ? Ch’crois qu’ch’est  à cause de mon cul-i. Cha me pose pas trop de problème dans la vie sauf que ch’ai pas de suite dans les idées. Par exemple quand je fais une phrase un peu trop longue, souvent, au bout d’un moment ch’sais plus ce que j’voulais dire… J’oublie les points importants et en fin de phrase ; n’empêche que  j’écris des livres ; j’ai un i-book car ch’sais taper sur un clavier d’ordinateur–ch’sais aussi que le « i » ç’est pour informatique comme dans cul-i parce qu’on est mieux assis pour informatiquer.  Ch’aime bien écrire des mots qui font des histoires et ch’trouve ça joli toutes les vagues rouges sous les mots – pourquoi cha l’fait pas partout ? ch’m’applique pourtant; je reviens en arrière et j’corrige pour que cha devienne plus rouge mais des fois, ch’sais pas pourquoi, cha reste sans rien.
Et puis y a mon problème de chuintement à l’oral. Cha me chêne pas mais les autres ne me signifient pas. Ch’est pour cha que ch’écris. Ch’a ch’entend pas. Che reprends : on dit que chuis pas très fute-fute et pourtant on m’appelle comme cha. 


dimanche 23 juin 2013

le dernier écrivain à claquettes


                     Photo de Philippe Marc "la cafetera roja" à Lambesc, le 21/06/2013

Le dernier écrivain à claquettes est mort avant-hier soir à l’âge de 103 ans. Il n’est pas mort des suites d’une longue maladie mais en dansant une dernière phrase, shuffle, flap, slap, ball-change… Il a trébuché du pied droit sur un mauvais mot, un mot aussi glissant que fatal (néanmoins dansant), alors que la fête de la musique battait son plein. D’aucuns diront que depuis longtemps il ne savait plus où poser le pied ou sur quel pied danser, d’autres qu’il écrivait comme un pied mais on préfère garder en mémoire son inimitable brown sugar-step qui a initié le mouvement du roman gigue…


    Photo Philippe Marc, Aurélia de "La Cafetera Roja", Lambesc, 21/06/2013

Avant-hier, découvert le jus euphorique de la cafetière rouge. Ça vous tient éveillé mieux qu’un café,  « La Cafetera Roja ». Pas pu empêcher mes pieds de danser. Les ai laissé faire. Du coup, pas de photos convenables des six musiciens venus de Barcelone. Heureusement Philippe était là…

     Photo Philippe Marc, le même groupe, le même jour, la même énergie.

    Photo de Philippe Marc (un grand, grand merci pour ces images!)


jeudi 20 juin 2013

ça use les souliers


                                                Photo de Philippe Marc (Marseille)

Se répandre ou se jeter dans la Seine. La Seine n’est pas tout près - même avec les trois petites heures de TGV, j’aurai le temps de changer d’avis. Se répandre donc. S’apitoyer. Encore une fois. Quand ce serait la fois de trop, la dernière, on pourrait envisager autre chose. Tout ça pour ? Pour la lecture de cette phrase sans erreur : Vous n’avez pas obtenu satisfaction à votre demande de mutation. Ça signifie TZR encore l’an prochain. Ça ne veut plus rien dire. Titulaire d’une Zone de Remplacement. Titulaire d’une Zone de Regret éternel. Titubante Zonarde de Relativité. Parce que bien sûr, il faut relativiser. Ce n’est pas si grave. Non mais ça use. Ça use les souliers et les roues de ma voiture. Ça use ma faculté d’émerveillement mon énergie (même les larmes tarissent). Ça use surtout l’envie de continuer à enseigner. Peut-être le moment de faire autre chose. Rater sa vie avec un certain art n’est pas donné à tout le monde. Je n’aurai fait que du petit reportage. (et ne sais pourquoi me vient à ce moment à l’esprit Mallarmé, aboli bibelot d’inanité sonore) (ou plutôt si le sais) (pas parce qu’il a été professeur d’anglais, ni même pour sa poésie ou ses textes critiques, mais à cause de son nom) mais assez se répandre, plutôt se jeter dans la Durance. Des mots, tout ça. Seuls les mots coulent encore.


mardi 18 juin 2013

Ce n'est




Ce n’est pas de l’amertume (Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage)
Ce n’est pas non plus de l’abattement (mon cœur a battu)
Ce n’est pas de la déception (pas encore)
Ce n’est ni de l’angoisse ni du désarroi
Mais on est sur la voie on n’est plus sûr de rien
Ce n’est ni fait ni à faire ni si c’était à refaire
Ça ne ressemble à rien (c’est tout de même quelque chose)
C’est comme un silence qui fait mal à la gorge
Ce n’est pas un signe qui ne vient pas
C’est ne pas même voir que la chance est chauve
C’est un jour ne pas ne plus jamais ne
C’est un jour sans verbe
C’est un jour sans
C’est un jour
C’est un
C’est
C’
C