lundi 30 décembre 2013

entame




Phrase réveil après un rêve choral haletant (un mort se battait avec un presque-pas encore–mort ; une vivante criait que c’était bête de se battre ainsi, que mieux valait se battre vraiment, en vivant – mais bien sûr c’était plus difficile – deux groupes alors se formaient – l’un indécis immobile avec une majorité de morts et de presque-pas encore-morts et un autre avec des pas encore morts et des vivants ; je choisis de suivre le second mais il fallait gravir une montagne, affronter tempête de neige et avalanches, essoufflés, exténués, glissant, dérapant, nous nous aidions les uns les autres…)

[deux influences pour ce rêve : les images d’avalanches en montagne envahissant nos écrans et le récit-feuilleton « Au-bord-de-tout « que je rédige pour le site « Les Cosaques des frontières » à la demande du généreux Jan Doets]

Après le rêve, cette phrase : chaque homme est l’entier de lui-même tant qu’il n’est pas entamé phrase qui ressemble si peu à ce que j’écris, que je l’ai formulée plusieurs fois pour m’en souvenir – toujours pas de carnet/crayon sur la table de chevet – de toute façon, trop tard ! Complètement réveillée. Cinq heures du matin, pas une mauvaise heure pour se lever.  Comme je lis Le premier homme de Camus, je me demande si ça ne viendrait pas de là. Puis je me souviens qu’hier, j’ai écrit une lettre à un vieil ami où j’employais le verbe entamer avec le sujet la vie en fait, quelque chose comme : j’espère que la vie ne t’a pas trop entamé… tout est dans l’adverbe et la négation. En googlisant la phrase, on tombe sur les articles Wikipédia « Qu’est-ce que la littérature ? » de Sartre, le « Dasein » de Heidegger ou « Du contrat social » de Rousseau, etc. ;  évidemment avec chaque homme, ne que, lui-même, tant, on obtient un échantillonnage assez large… 

fatigue.

Ça n’a rien à voir mais si parfois, vous êtes saturée des mots, allez vous faire briller l’œil sur le site de mon ami photographe Philippe Marc.

Faut-il le préciser? Ce ne sont pas des photos de Philippe, mais les miennes prises aujourd'hui à Aix: je n'avais jamais vu ce curieux monument aux morts...

samedi 14 décembre 2013

des boîtes et des portes


    Camp des Milles, photo de Philippe Marc que je remercie encore une fois


Recevoir deux boîtes, dans les boîtes une part de gâteau, confectionné par les élèves avec la prof de maths, pour travailler les proportions quoi de mieux. Sourire sucre glace (pas d’amertume, même si les années précédentes il y eut plus de boîtes) : les petits groupes des sixièmes se promènent dans les couloirs du collège – pour une fois ils en ont le droit, et même les rires étouffés, les cris de protestation aux propositions pour tel prof abhorré des uns ou adoré  des autres- on les entend toquer aux portes des collègues, cela pour un vendredi 13 très faste, malgré une journée chargée, d’une semaine très méchante.

Malgré de très bons moments, un mardi en S4 (dernière heure de cours), notamment, avec une classe de cinquième. Une série d’assez bons exposés – ne citent cependant toujours pas leurs sources ! rrhhh !- sur la condition des femmes au Moyen Âge, l’amour courtois, les cathédrales, arrive enfin celui de Pablo : la nourriture et les banquets au Moyen Âge. Des panneaux très joliment illustrés et calligraphiés et surtout la « surprise » que toute la classe attend : le pain d’épices préparé par notre futur pâtissier/cuisinier, qui ravit vieilles et jeunes papilles. À ma demande, il répond avec certitude que c’est une recette du Moyen Âge, puisqu’il s’agit d’une recette de famille, transmise depuis son arrière-grand-mère, alors… alors, ne boudons pas notre plaisir, dégustons : son arrière-grand-mère appartient au merveilleux de son âge, moyen ou pas…

Des moments hystériques aussi, un élève et une prof qui sortent de leurs gonds : l’un refuse de prendre la porte l’autre qu’on le prenne pour une porte, qu’on ouvre ou qu’on ferme à son gré. Pas le lieu ici de développer. Rapport qui déborde aussi les encadrés des incidents à relater. L’affaire suit son cours. Lettre d’excuses exigée. Le lendemain, l’élève calmé, qu’on aime bien qui plus est - intelligent, curieux, avec une langue riche en vocables de tout acabit - est refusé – lettre non terminée mais dont le début semble prometteur – à notre grand dam. Le cours commence dans un silence de plomb. Le silence souhaité, on ne le souhaitait pas comme ça. Recevoir une boîte néanmoins, un peu plus tard dans la journée. Les élèves ne sont pas rancuniers et la prof est corruptible au chocolat. On retiendra la leçon.



vendredi 6 décembre 2013

Vases communicants avec Philippe Aigrain @balaitous

Cela faisait très longtemps que je n'avais pas participé aux Vases communicants... Ayant pris un peu d'assurance, j'ai eu le culot de demander à Philippe Aigrain s'il voulait bien faire un échange avec moi. Je dis culot car ce monsieur m'impressionne à plus d'un titre. D'abord par son engagement pour les libertés et le partage des biens culturels sur internet, ensuite par le niveau de ses connaissances en informatique, enfin (et surtout?) par sa poésie et ses fictions qu'on peut lire sur son Atelier de Bricolage Littéraire. Il a accepté simplement l'invitation et je suis ravie de partager ici mon plaisir de lecture. Nos textes partent de trois photographies de Philippe Marc qu'ils interprètent librement...



1-2-3-Soleil

1



C'est arrivé en un seul instant, mais comment le raconter sans mettre les choses dans l'ordre ? Une fraction infinitésimale de seconde après, l'oiseau – un sterne ? –  ne serait plus qu'un souvenir. Il ne resterait que son ombre et son reflet, sculptés dans des ondelettes d'eau figée, empreinte emboutie dans la tôle du présent par la gigantesque presse du bouleversement.

2



Ils marchaient d'un pas presque synchronisé. Trop loin l'un de l'autre pour se tenir la main. Il faisait chaud disent leurs sandales. Ils allaient quelque part, d'un pas mesuré mais tout de même décidé. Dans ce quelque part, ils feraient quelque chose, l'amour dans une chambre ou boire un verre à la terrasse d'un café. Peut-être se tenaient-ils un peu à distance pour savourer le temps qui les séparait de ce quelque chose. Peut-être ont-ils été saisis l'instant d'après pour toujours dans cette attente, leurs vêtements se tenant comme des marionnettes au-dessus de leurs ombres.

3



Là nous sommes un millionième de seconde trop tard. Des milliers de personnes ont marché sur le sable, mais combien étaient-ils à se tenir sous ses parasols et pourquoi ne reste-t-il que l'ombre des parasols, pas de trace de leurs corps ? Peut-être n'y avait-il personne ? Pourtant ça devait être bien tentant de s'y allonger.

Soleil
Que s'est-il donc passé entre les photos normales et celles prises un instant plus tard ? Est-ce la soudaine révélation que l'existence des êtres vivants est intermittente, qu'elle bat comme un cœur, et qu'un nouveau modèle d'appareil photo capterait soudain les intervalles de néant entre deux grains temporels de leur existence. Tous les êtres vivants seraient-ils alors synchronisés ? Sommes nous tous régis par une horloge commune ? Ou bien est-ce une gigantesque partie d'1-2-3-soleil, à laquelle tous les êtres vivants joueraient en même temps contre un appareil qui ne capterait que le mouvement ?

Texte de Philippe Aigrain
Photos de Philippe Marc

Chaque premier vendredi du mois, ont lieu les Vases Communicants; qui-veut invite sur son blog qui-veut et ces deux-là se mettent à écrire sur un thème, une consigne, une image... Vous trouverez ma proposition chez lui.  Brigitte Célérier - la remerciera-t-on jamais assez - patience et persévérance incarnées -  dresse la table des convives et vous invite à consulter le menu ici.