jeudi 4 juillet 2013

le registre des pas




Une journée commence par un certain nombre de pas (à 8h30 ce matin – la journée s’annonçant caniculaire -  j’en avais déjà fait 7000) quant aux ne pas, il s’en trouve beaucoup plus à la même heure et au même âge.
Ainsi de cette lettre de démission, que je ne parviens pas à commencer. Quand je la commencerai, elle risque de devenir un roman. Le risque en vaut-il la chandelle ? Celle qu’on brûle par les deux bouts en attendant de manger son pain. Il vaut mieux revenir aux pas.  Il faudrait écrire le livre des pas et des non pas. Compter les pas et les non pas. Plutôt les conter que les décompter. les raconter . Chacun d’entre eux. Entreprise quasi infaisable. Soupir sur trois pas. Plus long encore sur quatre. Quand le soupir devient expiration cela me prend encore une bonne dizaine de pas. Alors raconter chaque pas, le souffle de l’air frais du matin sur l’avant-bras, le bavardage de l’oiseau sans nom, l’ébauche du début d’une impression, la sensation du talon gauche qui attaque le chemin tandis que le pied droit est en extension sur les orteils, la consistance des nuages qui s’effilochent dans le bleu du ciel, l’odeur de curry de l’immortelle, le goût du café dans la bouche, la gêne sur l’épaule gauche causée par la sangle de la poche isotherme contenant la bouteille d’eau… tout cela se mélangeant dans un seul pas. Tout cela ne parvenant même pas à la conscience. Dans le silence, sauf la réponse de l’oiselle à l’oiseau, dans son corps, dans sa tête, l’esquisse d’une pensée qui se forme ou plutôt d’un souci, d’un tracas, d’un problème… et là gare au ressassement ! On marche en piétinant dans sa tête. Il est nécessaire alors de se concentrer sur le corps, la respiration, la nature. Ce n’est que vers le cinq millième pas qu’on commence à croire qu’on écrit. On réfléchit à tous les non pas, les non plus, les jamais encore ne, et on se promet de les écrire en rentrant. D’en faire le compte. Écrire autant de non pas qu’on a fait de pas. Le registre des pas et non pas. Et puis on rentre, on prend une douche, on commence à lire Peter Handke Par les villages qu’on va bientôt voir à Avignon. On ne s’arrête pas. On n’écrit pas


1 commentaire:

  1. Ben si , tu écris , et c'est extra !
    Faible inspiration pour le commentaire ,non pas que je me prenne habituellement pour un pilier de la litterature , non pas que je craigne exagérement l'ETE , mais cette chaleur soudaine ankylose les pensées ! ... Non pas que ...
    D 3

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