Kiki Smith, Née, 2002, bronze (photo prise hier à Avignon, collection Lambert) |
Mettez votre masque de
feuillage et renforcez le bruit du réel.
Peter Handke, Par les
villages
Qui
sont-elles ? Comment s’appellent-elles ? Camille, Louise, Jana,
Berlinde, Kiki… ou bien Jeanne, Emmanuelle, Annie, Véronique, Isabelle… ou
alors Annie, Claude, Pascale, Christine et Pauline ? ou encore Louisiane, Rose, Nova, Sophie, et d’autres aussi qui n’ont pas de
nom, seulement un âge ou une fonction ou un lien de parenté, L’intendante du chantier, La vieille femme, ma mère, ta grand-mère… Que font-elles ?
Elles sculptent –mots-images-ciels – elles jouent et déjouent – pièges – personnages
- jeux d’enfance et de société- jeux dangereux – elles vaquent/ promènent– un
air de vacances à Avignon, un air caniculaire, un air papal… elles
personnifient –voix du récit –résistance – force des faibles –
« Moi » comme le dit Nova –scandé par le phrasé si particulier de
Jeanne Balibar (dommage que la fatigue ferme les oreilles, pique les yeux,
empêche les papilles de papiller) : Mais
moi seule je suis plus que moi-même. Moi-Moi, ça peut-être ce qu’il y a de plus
léger, de plus délicat sous le ciel, et ce qui englobe tout –désarme tout.
« Moi », je suis le seul héros – et vous, c’est vous qui désarmez.
Oui, le moi, le je, c’est la nature humaine qui conserve l’humanité !
(Peter Handke, Par les villages)
entracte de Par les Villages, Avignon, 07/07/2013 |
Ils disent
qu’elles sont cinq… qu’au départ, une seule, avant que les papes ne s’installent
à Avignon, une qu’on dit un, un
qu’on élit pape, un qu’on dirait bien
qu’il est enceinte, qui dit enceinte
dit une donc, et une n’est pas possible chez les papes… Alors on ouvre la chair de
Jeanne, on lui enlève la chair de sa chair, le sang coule. Jeanne et son enfant
meurent en place publique. On peut voir les Papesses à Avignon, au musée de la
collection Lambert et au palais des Papes(ses):
Camille Claudel, Louise Bourgeois, Jana Sterback, Berlinde de Bruyckere, Kiki
Smith. Certaines pièces sont dérangeantes, j’ai du mal avec cette vision
violente et morbide de la chair des corps mutilés ou souffrants de Berlinde de
Bruyckere par exemple (en même temps, ce sont surtout ses œuvres que j’ai
prises en photo).
Collection lambert, Berlinde de Bruyckere |
Parler maintenant
de Par les villages il faudrait, mais
n’en ai pas le courage. Partage en grande part ce qu’en a dit Brigitte Célérier
qui a assisté à la première, il y a deux jours. Quatre papesses du verbe
proféré : Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, Annie Mercier et Véronique
Nordey. Mais vaincre la fatigue n’a pas été de mon ressort (ne suis qu’une
piètre papesse) aussi le monologue de Nova n’a pas été entendu comme il eût
fallu… Une parole qui incite à ne pas renoncer à l’espoir… On ne peut pas renoncer ; ne jouez donc pas les solitaires
intempestifs… (se souvenir de Lagarce – entre parenthèses, Nordey avait un
moment pensé monter le Pays lointain)
… Bougez un peu – pour savoir être
lents : la lenteur est le secret, et la terre est parfois très
légère : quelque chose qui flotte, qui passe, une image sans pesanteur, un
royaume du sens, une lumière en soi, accueillez en vous cette image pour
continuer votre chemin : elle montre le chemin et sans l’image d’un chemin
on ne peut pas continuer à penser.
On n'oublie pas les hommes mais on a choisi de
parler des papesses uniquement (allez sur le site de Brigitte, une grande
papesse qui voit tout, écrit tout – avec sensibilité et poésie)
Jana Sterbak, Princesse au petit pois, collection Lambert |
Billet aussi lourd que le ciel et aussi fatigué que celle
qui le rédige. Un dernier mot, ou presque, pour une dernière papesse du off,
Zabou Breitman qui a adapté le roman de Lydie Salvayre, En compagnie des spectres. Au-delà
de la performance physique et technique – le tango avec la marionnette de
Pétain et la scène d’amour qui suit vont au delà du rire - on sent un grand
amour de la comédienne et metteuse en scène pour le texte de Lydie Salvayre,
ses personnages féminins, qui rejaillit sur le public.
Lorsque
j'essaie de comprendre ma mère, monsieur l'huissier, j'imagine qu'elle éprouve
cette étrange sensation qui s'empare de moi lorsque, voyageant en train dans le
sens contraire de la marche, j'ai l'impression de m'enfoncer à toute vitesse
vers un avenir qui n'est pas devant moi mais derrière et qu'en même temps le
passé se jette sur moi comme pour me happer. (Lydie Salvayre, En compagnie des spectres).
Si j’essaie de trouver un lien
entre toutes ces papesses de l’art, ces femmes qui m’ont accompagnée hier en
mots, en pas et en ne pas, peut-être
bien qu’il s’agit du corps, du désir, et de l’affirmation vivante des deux. Plus que sagesse, c’est l’énergie, la joie, la révolte l’affirmation de leur
liberté qui caractérisent les papesses.
Louise Bourgeois, "Maman", Palais des Papes(ses) |
superbe non ? j'ai un faible pour la femme de Kiki Smith nichant ses pieds dans la biche
RépondreSupprimerà moins qu'elle ne sorte de la biche... grande discussion avec celles qui m'accompagnaient autour de cette pièce... Oui superbe exposition! des lieux: magnifiques écrins pour les accueillir, les mettre en valeur...
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