gare AixTGV (prise de mon téléphone) |
Habiter là
aussi.
…une route au
petit matin, quand il reste un peu de nuit, direction Pertuis, une route
mouillée, éclaboussée de phares aveuglants – habiter les lumières jaunes plutôt
que les blanches, habiter un court moment l’habitacle des voitures d’en face,
celles qui vont dans le mauvais sens
à cette heure – trafic dense jusqu’à Marseille – habiter le regard halluciné de
l’autre en face, un bref instant, croiser les regards et intervertir les corps,
les déplacements, changer de direction.
Habiter là
aussi.
… le TGV 2912,
voiture 17, place 22 de 9h20 arrivant à Paris Gare de Lyon à 12h23. Habiter le
défilement des paysages traversés comme un film documentaire sur « l’expression
de la vitesse dans la peinture moderne » qu’on regarderait sans le son.
Habiter les lignes du livre ouvert entre les mains vers lequel on revient par
intermittence. Habiter une autre histoire pour déshabiter la sienne, déshabiter
son corps. Déshabiter son corps à soi, son corps assis, trop assis. Soudain, le
corps réclame le mouvement. Réhabiter son corps – le réhabiliter aussi -
marchant dans le sens de la marche du train. Déséquilibre dû à la différence
entre les deux vitesses de déplacement. Vertige assez léger pour être agréable.
Habiter là
aussi.
… la lecture à
voix haute de cette prof de russe que l’on ne connaît pas et qui parle de
maisons – en russe il existe trois mots pour l’exprimer : la maison où
l’on vit, la maison où l’on va, et les esprits de la maison – écouter la voix
sourde des tréfonds à la fois exaltés et angoissés de cette femme qu’on imagine
sans peine s’appeler Anna. Habiter la tristesse et les yeux fatigués d’Anna qui
ne s’appelle pas Anna. Habiter chacune des voix lisant autour de la grande
table. Les habiter vraiment.
Et à son tour,
habiter son je.
Habiter là
aussi.
et oui emporter sa maison, qui n'est finalement que ce coquillage où résonne sa voix.
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