« Tout ce qui n’a pas de paupières et à 360° »,
c’est le genre de consigne que donne Esther au groupe d’écrivants réunis autour
d’elle à la gare de Miramas. Elle précise, bien sûr. Porter son attention sur
la matière des sons. « Mesdames et Messieurs, attention au passage d’un
train, éloignez-vous de la bordure du quai, s’il vous plaît ».
Sifflements, chuintements, glissements des trains arrivant et repartant.
Grésillement électrique des caténaires, stridulations des cigales et de
l’air, bruissement des arbres entre deux
trains. Sage et scolaire, je note « tout ce qui n’a pas de paupières et à
360° », ainsi que cette parole d’Esther.
C’est ma première
Esther. Le prénom d’une reine. La reine d’un petit peuple nomade qui va écrire
en suivant ses propositions dans un train ou aux arrêts sur la ligne
Marseille-Miramas. Un peu plus tard, sur la plage de Sausset elle sortira de
son sac des livres dont elle nous parlera. Elle lira quelques extraits, des
tables de matière à, notamment des gens
qu’on n’a vus qu’une seule fois… Esther en fait encore partie. Pourtant, je
pressens que ce ne sera pas toujours le cas. Une seule fois, mais toute la
journée et dans une attention particulière. À la gare de Niolon, attendant le
train de 16H57 qui n’arrivera pas, nous sommes assises côte à côte. (J’aime ce
nous). Esther m’apprend que sa fille est née à Pertuis, comme mon fils au moins
une dizaine d’années auparavant. Petit point commun (il faut que j’arrête avec
cet adjectif petit) avec elle qui se
met à écrire des phrases sur des petits carrés de papier blanc. « Fais
passer » me dit-elle. Je passe les mots de la passeuse à ma voisine. Nous
voilà tous à faire passer les mots d’Esther (pourquoi n’ai-je pas eu l’idée
d’en noter quelques phrases) qui nous/me conforte dans l’idée que c’est une
reine du paysage.
C’est une paysagiste qui apprivoise les cigales. Un peu plus
tôt, à Niolon, devant le café « la Canne bambous », elle recueille sur
son bras une cigale mal en point tout en nous murmurant des choses à l’oreille.
Nous lisons quelques phrases de nos textes. Elle nous suggère de répéter
quelques mots, quelques bouts. Nous sommes en cercle (sauf la cigale sur le
bras d’Esther), comme un chœur antique, dans le plus beau paysage méditerranéen
qui soit, face à la mer et la beauté bleue de cette journée. Toutes les
personnes du groupe, je ne les ai vues qu’une seule fois et pourraient faire l’objet
d’un portrait (ce sera peut-être le cas) mais aujourd’hui c’est celui d’Esther
dont je ne sais presque rien, sauf l’essentiel : c’est une reine cigale
qui passe des mots à qui veut bien les lire et les entendre.
esther: la femme que je vois 300jours par année< suivez la cheffe! ;-))
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