image de Delphine Eyraud |
pour passer au-delà du bruissement aqueux
ce serait un pont de silence
on longe l’eau
à la croix des chemins
il y a l’automne
il y a un muret
une maison fermée
un livre aux pages grises
il y a l’arbre
il y a l’arbre qui croît
il y a peut-être un enfant
creusant un trou pour l’escargot mort
dans le dessin des branches, un bleu presque transparent
et juste derrière le bleu, c’est le noir sidéral qui
appuie sur les parois de verre
il y a l’ossature du tilleul qui se dénude peu à peu
il y a chute lente de feuilles,
de mots, à fleur de terre
il y a ton sourire fatigué
ce matin, l’automne a la douceur d’une peau ridée
deux voix de source résonnent dans le trajet du sang
La vie fait un coude, puis un autre coude
encore un autre
des images dans le courant
des corps nus, des bras, des lèvres
des seins, des mains
chaque feuille se pose comme une larme sur l’eau
la chute est d’une beauté à couper le souffle
j’attends le vent, sa palpitation ocellée
la pluie de soie
et puis un cadavre tout gonflé passe doucement
vient s’échouer sur la berge
une grenouille se pause sur l’épaule du mort
s’éveille alors la douleur ancienne de la main qui écrit
la douleur qui taraude et glisse le long du bras
les feuilles peu à peu quittent berge
l’arbre fait un coude aussi dans un plissé de bois blanc
les phrases, fine pellicule foliacée
tavelée, jaunie,
s’accumulent sur la berge
pourrissent et
recouvrent le corps
que la page devienne
terre, moisissure, lichen, mousse
que s’ouvre une déchirure
d'où émergerait peut-être un mot plein de silence
les feuilles pénètrent en moi
tant de voix et si peu de mots
la rumeur de la source couvre tout cela
emporte
au fond de l’eau une drôle de lumière jaune se déplace doucement
presque
éteinte
Texte de Delphine Eyraud, que je remercie pour avoir partagé ici son texte et ses images.
merci Delphine pour ce texte et ces images :-)
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