Parfois ça ne vient pas, ni feu ni lumière, ne restent que
les vieilles ombres… Lire alors, s’identifier à ces deux amies, femmes
peintres, libres, belles, de feu et de lumière, ce qui n’empêche pas tourment
et tourmente. Ces femmes ont vécu au Mexique – décidément, je ne parviens plus
à le quitter ce pays – il faudra un jour ne pas se contenter de l’ivresse
livresque - s’appellent Leonora Carrington et Remedios Varo. Je reste
inconsolable : Remedios vient de mourir aujourd’hui (quant à Leonora ce
jour-là j’imagine aisément…)
-
Je suis
hantée par un monologue que je n’arrive pas à interrompre et qui me tue à petit
feu – dit-elle à Remedios. Il ne s’arrête jamais, se répète, se répète sans
cesse, et j’ai beau faire, il continue à tourner dans ma tête. Je le transporte
partout dès que le jour se lève.
-
Sors
prendre l’air – conseille Remedios.
-
Je ne
supporte plus Chiki et je ne me supporte plus moi-même. Je me disperse, mon
corps est éclaté, je ne sais pas comment rassembler les morceaux.
[…]
-
Je sens
que cette anxiété ne va jamais disparaître car elle fait partie de moi. Chaque
matin j’ouvre les yeux au bord du précipice, persuadée que la chute sera
épouvantable.
Leonora et Remedios
partagent leurs états d’âme.
-
J’adore
ton Angoisse. Pourquoi l’as-tu signée
Uranga ?
-
Parce
qu’elle était destinée à la maison Bayer – répond Remedios.
-
J’ai
l’impression que tu as fait mon portrait.
-
Non,
Leonora, ne dis pas cela, toi tu n’es pas ligotée. En plus, tu es
supérieurement intelligente.
Elena Poniatowska, Leonora, éd. Actes Sud, 2012, p. 346.
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