Là où les autres vaquent, l’escargot va.
Certes, il ne va pas rapidement, mais il va.
Ignorant le mauvais temps, il vadrouille vaillamment. Ceux
qui bavent sur sa lenteur, ne vagabondent pas. Lui, vagabonde abondamment.
Un escargot ignorant le présent de vérité générale, avait
voyagé à pied jusqu’en Chine. Il y fit sienne cette maxime : « Ne
craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt. » Même à
l’impératif présent, c’était bien vrai : ses deux cousins, pour s’être
trop entraînés à l’immobilité, étaient devenus pierres ornementales de piliers
pour l’éternité.
Il fonda une école itinérante dans laquelle on apprenait à
aller son bonhomme de chemin. De chemin buissonnier, ça va de soi. On apprenait
à distinguer la saveur de la menthe poivrée ou du serpolet. Les petits
suivaient les grands à la trace et les jours de pluie étaient jours de liesse.
Le problème, c’était que parmi tous les colimaçons, aucun ne voulait être
professeur. On passa une annonce dans l’écho des jardins. Un chien se présenta
qui fit l’affaire, faute d’autre candidat. Il commença par leur apprendre à
transformer le futur en présent : il suffisait d’aller plus vite que la
musique leur disait-il. Et de joindre le geste à la parole. En un éclair, il
atteignit la barrière. Il plaça les gastéropodes sur une ligne et donna le
signal du départ. On devine aisément ce que cette course donna. Ils avaient
beau se donner un mal de chien, ils n’avançaient pas plus vite que six
centimètres à la minute. Le chien jappait, s’énervait, les agonisait d’injures,
en vain. « Plus vite, plus vite ! aboyait-il, servez-vous de votre
pied, ce n’est pas fait pour les chiens ! » Mais les escargots
aperçurent des salades bien vertes, ce qui constitua à la fois leur seul horizon
et leur présent d’actualité. Le dernier escargot de la file lança au pauvre
chien : "C’est une opération escargot, vous n’y pouvez rien. Les chiens
aboient et la caravane passe. Consolez-vous, vous aurez votre fable demain."
Pensant l’exercice facile, j’ai demandé à mes cinquièmes
d’écrire des fables. C’est moi qui jappe et aboie devant leur lenteur à se
mettre au travail et à avancer. Je leur devais cette fable (qu’ils me
remercient de ne pas leur avoir infligé la salade !). Voilà c’est fait.
Toute la vie et le bonheur d'être et d'écrire sont là ! Merveilleux …
RépondreSupprimeroh! merci Isabelle!
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