Photo Philippe Marc |
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À quinze jours de la rentrée, on est encore euphorique. On
s'imagine, tel Pygmalion, face à des blocs de marbre, creusant des yeux et des
oreilles. Les statues de silence, dès qu'on leur donnera la parole, demanderont
qu'on les rende vivants. Pygmalion, acquiescera, souriant, silencieux, serein.
On a déjà prévu la progression de
l'année avec les différents niveaux. Mais on peaufine tout particulièrement le
premier contact avec eux. C'en est fini des fiches de renseignement façon T'es de la police ou quoi? On profite de
la réserve (ou méfiance - légitime?) des ados vis-à-vis des adultes en général et du corps enseignant
en particulier pour les faire écrire. On commence doucement avec des listes.
Pour les deux classes de quatrième, on va leur offrir une pépite, une de ses
lectures personnelles qu'on est justement en train de faire pour le plaisir. Les poissons ne ferment pas les yeux d'Erri
De Luca. On leur lira à voix haute et belle et claire et dorée les pages 16-18 où
le narrateur parle de son verbe préféré: "maintenir" et de celui
qu'il abhorre: "aimer". À eux de décliner ensuite leur liste de
verbes préférés et détestés. De faire ensuite des croix. D'écrire ensuite un texte
sur l'un des verbes cochés. On les invitera ensuite à lire leur texte à voix
haute. Ceux qui veulent. Tout se passera merveilleusement bien. On rentrera à
la maison serein, souriant, disert. On racontera qu'on sent bien les classes
cette année. Et à plus ou moins long terme on déchantera. On commencera à
mettre des croix dans les carnets pour insolence, devoir ou conjugaison non
apprise.
Alors on écrira de nouveau. On rentrera en nous-même. On
cherchera à sortir ce trop-plein ou ce pas-assez, à le coucher sur le papier ou
sur l'écran. On mettra des billets sur des blogs, on en commentera d'autres. On
échangera avec des de notre espèce. Pour
avoir le courage d'entrer encore une fois, une nouvelle (?) fois, de
rentrer dans ce bâtiment dévolu aux apprentissages. On rentrera dans son
costume de prof albatros et on essaiera de ne pas rater son atterrissage.
Oui, on écrira de nouveau. D'autres verbes pour Conjuguer sa vie.
[...]
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