Photos de Philippe Marc que je remercie chaleureusement |
En réalité, ces grands échassiers roses ne paraissent pas de
près ce qu’ils paraissent de loin. De loin on dirait une secte d’illuminants occupés à sonder les marais
de leurs secrets ou à des pratiques plus occultes encore. D’autres, tels des
moines d’une religion du silence à inventer, déambulent d’un pas aussi
tranquille que mesuré. Ils semblent n’être là que pour apporter douceur rose à
cette contrée sauvage. Pourtant, sauvages corps et âme, ils fuient nous autres
les civilisés. Ils font mine de ne pas nous voir, mais s’éloignent
insensiblement de nous - les intrus qui tentons de les approcher - avec leurs
grands pas d’échassiers. Nous ne savons donc pas de près leur semblance. Seul
l’œil de verre zoomant de l’arpenteur s’en approche.
En réalité, jamais leur faim n’est assouvie. Leur pitance
est si minuscule et leur corps si grand ! Ils passent des heures le bec
dans l’eau - bec ultra-perfectionné et performant filtrant l’eau de la vase un
peu à la manière des fanions des baleines. La première fois qu’on les voit, on peut
être déçu par la pâleur du rose layette. Surtout si l’on a vu dans les
reportages animaliers l’autre espèce de flamants, beaucoup plus ruber que roseus des flamants de Cuba ou des Caraïbes. L’article Wikipédia
est un poème mais il ne mentionne pas les flamants de Sauvargue.
En réalité, ils ont une vilaine voix, une voix d’oie qui
nous raille, en surgissant d’on ne sait où sinon du ciel. Mais quand ils
volent, flamme en ciel, flamme en rose vif dans soleil couchant, la pourpre l’emporte sur
le rose. Le blanc rosé du cou et du corps, les ailes et le bec noirs, le rouge
vif parent leur magnifique déploiement. Excepté l’arpenteur et son gros œil de
verre, on aperçoit rarement la bague aux doigts de leurs pattes. Ils restent
fidèles le temps d’un accouplement et d’un Œuf unique que mâle et femelle
couvent en alternance.
En réalité, tu ne vas pas me croire. L’arpenteur avait
disparu avec la presque nuit. Les grands oiseaux sont passés en formation non
loin de moi. Je m’étais allongée sur le sel. Quand je les ai vus inscrire des
signes évoquant vaguement des K couchés, j’ai compris que je ne savais plus
lire. Ni leur monde, ni le mien. Mais à choisir je préfèrerais vivre dans le
leur. D’ailleurs j’adore les crevettes. Il a pourtant fallu rentrer.
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