dimanche 12 février 2017

Les allumettes /1: Solea


Image: LINO


Elle laisse quelques jours passer, puis, elle revient.
Elle  ne reconnaît presque rien. Paysage dévasté encore fumant.
L’odeur acre imprègne chaque parcelle du corps. Et reste.
Ferrailles saillantes, pans de mur noircis et branlants, monticules de cendres volatiles. Des milliers de livres morts. Un cimetière d’histoires au vent.
Elle erre. Elle craquèle, se fissure.
Les yeux rivés au sol, elle fixe les miettes, elle ramasse chaque mot survivant sur papier racorni, jauni. Elle amasse des dizaines, des centaines de millier de pensées brûlées, encore tièdes au creux de sa main.
Ne pas oublier. 
« Se trouver là où on se perd » Elle se répète, comme on tient sa ligne de vie :         « Se trouver là où on se perd, se trouver là où on se perd… »
Un relief anguleux sous une tôle carbonisée accroche son œil. Elle s’approche, soulève. Elle reste longtemps à le regarder, pétrifiée. Entre pierres, acier fondu et fragments innommables, il est posé là, intact.
Sa main tremble et s’en saisit d’un coup sec. La couverture est craquelée, à peine brunie, les pages, le texte, le corps miraculeusement indemne. Elle déchiffre son nom… 
Elle recommence pensant s’être trompée. 
Non.                                                             
Le dernier des livres se nomme « Incendie »…
Elle en a le souffle court. « Se trouver là où on se perd »                                     
Elle vacille. « Se trouver là où on se perd »
Copeaux de livres morts dans une main, le rescapé prophétique dans l’autre, elle le sait. Comme une évidence, elle le sait. Elles vont tout reconstruire. Tout. En lumineux. 
                                                                                                    

SOLEA sur le squelette de La Méjanes brûlée vive.   

Texte: Virginie Gontrand (merci!)

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