J’échoue
beaucoup à échouer en ce moment. Cependant, malgré tous mes efforts, cela
revient périodiquement les fourmis dans les doigts. Il y en a qui s’inquiètent.
Il y en a qui demandent ce qui se passe. Il y en a qui ne me croient pas quand
je dis que je réfléchis ou alors s’ils me croient, ils me disent que je ferais
mieux d’écrire. Mais je ne peux pas faire les deux. C’est soit l’un soit
l’autre. Ou écrire ou réfléchir. Ou réfléchir sur ce que j’ai écrit, mais
après. Ça se complique encore plus quand je dois porter un jugement sur les
écrits des élèves. Si je mets de plus en plus de temps à corriger, c’est que la
notation me pose problème de plus en plus. Légère tendance à surnoter les plus
faibles, quand ils essaient de (ou croient) répondre aux exigences du sujet.
Ainsi, vous ne connaissez pas Ben, ses yeux bleus malicieux, son hyperactivité
et son problème à se mettre à l’écrit. En cours, il n’a jamais son livre, il a
une chaise sauteuse et dégringoleuse, il passe l’heure à déchiqueter du papier
en confettis. À sa place, le cours terminé, c’est un sol de carnaval tout
blanc, la chaise sauteuse bien maîtrisée est sagement rangée comme les autres
sur sa table. Et bien Ben, il a voulu me faire plaisir et il l’a fait son
expression écrite en temps limité. Il a écrit la lettre à Hugo –même si c’est
le premier qui m’a fait remarquer qu’il était mort Victor Hugo – pour lui faire
part de son point de vue sur Les
Misérables et cette lettre me pose problème – oh pas les erreurs
d’orthographe - j’ai d’abord souri – les erreurs de construction et le
tutoiement m’ont émue - maintenant, je réfléchis. Je réfléchis et je ne peux
pas écrire. J’ai cent-soixante-quatorze copies à corriger pendant les vacances.
Bonjour Monsieur Hugo,
Ton livre je ne l’aime
pas trop car il n’y a pas de suspense à part au niveau des égouts (ce moment
m’a plu).
Grâce à ton livre la
justice a évolué. Il y a plusieurs lois comme : contre le travail des
enfants, l’esclavage de toute personne, qu’il soit Français, Espagnol, Arabe ou
Africain…
Ton livre a aussi
baissé le taux de pauvreté. Il y a des associations comme les « Restos du
cœur » qui les aident en été et en hiver pour la nourriture.
L’éducation des
enfants est plus importante car si on les maltraite, ils vont en famille
d’accueil, tout ça grâce à ton livre, Victor.
Mais fais moins de
poèmes car je n’arrive pas à les apprendre.
Cordialement.
Ben.
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