Sur
la plage du Roucas Blanc, j’ai vu danser des êtres hybrides, hommes et femmes-machines.
J’ai vu d’abord le fin gravier se soulever dans le mistral. J’ai entendu le
vent couvrir celui des vagues, ce formidable vacarme couvrant celui de la foule
des spectateurs. J’ai vu les engins à l’arrêt, dans l’attente de. Seul le sable
dansait, installant une sorte de suspens dans l’air bleu. Les danseurs ont
rampé sur le côté veillant à ne pas écraser les traces des roues avec
l’empreinte de leurs pas. Trois garçons, trois filles. La musique est sortie
des haut-parleurs. Les tractopelles ont ouvert le bal.
Le
ballet bien réglé des machines semblait indépendant de celui des danseurs.
Elles décrivaient des courbes et des lignes bien précises, sans à-coups, sans
soubresaut, d’une force placide et irrésistible. Les danseurs, d’une énergie
plus bondissante, d’un rythme plus heurté, déployaient toute leur force
animale, jouant du sable, du vent, de leurs partenaires. Rien de mécanique en
eux. La dramaturgie se fit plus oppressante. Souffle suspendu, j’ai vu une
tragédie grecque sur le sable de la Méditerranée. Deus ex machina.
Alors
les machines ont dansé avec les danseurs, elles sont devenues humaines, d’abord
facétieuses et enfantines, puis agressives, violentes, cruelles,
des loups pour les hommes. Lupus
ex machina. La mécanique huilée du corps des danseurs a tenté de répondre à
l’assaut. Variations de feintes et de fuites. La chorégraphie a développé
toutes les combinaisons : hommes en lutte avec les machines, machines
fusionnant avec les femmes, puis avec les couples, à la fin ne restaient que trois monstres sur
la plage du Roucas Blanc. Trois magnifiques monstres. Et le silence.
les photos (sauf une) sont de Philippe Marc et ont été prises hier (11 mai) lors du spectacle "Traction" de la compagnie Motionhouse (Royaume Uni) sur la plage du Prado à Marseille dans le cadre de "La folle histoire des arts de la rue".
N.B. un grand merci Philippe pour ces images que j'ai dû réduire malheureusement...
oh que j'aurais aimé ça ! oh que j'aime ça raconté !
RépondreSupprimerD3 admirato-perplexe Oui ,j'aurais aimé ça ! Force de tragédie ,les dragons et les fragiles humains ( j'ai peur de ces machines ,mais elles sont fascinantes ,a l'oeuvre )
RépondreSupprimerMerci pour le texte si proche de l'essence du spectacle ,et au photographe , sans qui ......