Le souvenir cristallisé prend la forme de la boule à neige
stabilisée juste après avoir essuyé les secousses répétées pour que tombe la
neige. Quelques flocons volètent encore sur ces deux silhouettes se dirigeant
vers la station de métro Blanche. Fuir la nostalgie de l’âge de la danse et la
morsure du froid. Elles sont en retard pour la séance de 15h15. Place Clichy,
elles vont voir « La Forme de l’eau », de Guillermo del Toro. Une
parenthèse enchanteresse de deux heures de bonheur bleu, vert, bleu-vert, celadon, jade, kaki, ou vert
bouteille et un amour inconditionnel pour ce film transgenre, baroque et
onirique. On n’en dira pas plus ici et si conseil il y avait à donner, ce
serait de ne rien lire avant, rien entendre, juste se couler dans la forme de
l’eau del Toro.
L’eau
prend la forme de son contenant, mais malgré son apparente inertie, il s’agit
de la force la plus puissante et la plus malléable de l’univers. N’est-ce pas
également le cas de l’amour ? Car quelle que soit la forme que prend l’objet de
notre flamme – homme, femme ou créature – l’amour s’y adapte. Guillermo del Toro
Avec l’amie, sommes deux créatures aquatiques qui nous
coulons jusqu’aux Abbesses. Pour reprendre pied, nous devons nous restaurer de
nourritures terrestres – parmi lesquelles un vin des terres du sud, du Gard
pour être précis. Un peu plus terriennes, nous nous ancrons au réalisme de
« Baby » de Jane Anderson, mis en scène par Hélène Vincent au théâtre
de l'Atelier. Spectacle intelligent et subtil sur le conflit de deux classes
sociales incarnées par deux couples dont l’enjeu est un bébé porté par le
personnage joué par Isabelle Carré, que l’on adore. Le jeu des quatre autres
comédiens est tout aussi juste et sensible la mise en scène sobre et soignée.
Malgré tout, nous avons le sentiment de rester à la surface… Revenons à
l’hôtel, flottantes.
Parfois l’eau, comme le souvenir, prend la forme d’une
perle. Ce n’est plus la boule à neige cristallisant et figeant un moment
suspendu en monument de pacotille touristique. Non c’est quelque chose que l’on
n’attendait pas et d’autant plus beau, qui apparaît dans la nacre d’une huître.
J’oublie de lire à l’amie un passage de Tiens
ferme ta couronne de Yannick Haenel[1] lu dans
le TGV et dont j’ai noté la page pour elle. J’aurais dû le lui lire ce soir-là.
En croquant dans la chair d’une huître, je me sentis
défaillir. J’avais bu abondamment, mais ce n’était pas le vin qui me retournait
le cerveau. Trouver la vie qui mène à l’espace absolu, je m’enivre pour
ça ; mais toujours je reste au bord du mystère. Non, ce soir je défaillais
de plaisir parce que la chair de l’huître est un délice qui procure des
frissons : on dirait des trésors de nacre vous scintillent sur la
langue ; et cette huître-là, que la serveuse m’avait désignée comme un
« Grand Cru » de Normandie, fondait dans la bouche comme un bijou
marin.
Tes textes sont vraiment beaux et font jaillir les souvenirs, pourtant si récents ! Plongée dans le roman d'Isabelle, "Les Rêveurs" avec délice, en le lisant j'entends sa voix, ses sourires qui savent si bien dérouler les saveurs d'une enfance.... bises de l'amie
RépondreSupprimeroh! merci l'amie! je crois que ce sont les souvenirs qui sont beaux (davantage que mes petits textes mais je prends plaisir à les écrire) et pour la dernière journée j'attends quelques-unes de tes images car je n'en ai pas beaucoup...
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