jeudi 24 octobre 2013

à couper le souffle [4/4]

    Photo de Philippe Marc, Marseille, le 20/10/2013



Le silence, enfin presque !

Marie-Louise, plus bavarde de son mourant que de son vivant, venait de me traduire le chant matinal des deux grives sur la branche du chêne devant lequel je faisais une pause. Le paysage était beau à couper le souffle. Quant à Gérald, il me pressait pour repartir. Il fallait hâter le pas. Revenir intra muros avant l’heure chaude de la pause méridienne. Même en octobre, le soleil tapait fort par ici. Cela faisait un an maintenant que le programme de « l’école hors les murs » avait été interrompu. Un an qu’on avait retrouvé Béatrice à la maison du pendu. Les poignets et les chevilles solidement attachés à un radiateur, bâillonnée,  déshydratée mais bien vivante. C’étaient Jérémy et Angelo qui, ne supportant plus ses récriminations, avaient voulu donner une bonne leçon à la gamine. La nuit, ils l’avaient appelée doucement pour ne pas réveiller Sylvie. Béatrice ne s’était pas méfiée quand ils lui avaient chuchoté qu’ils avaient trouvé une solution pour qu’elle échappe à la longue marche du retour. Le pendu, c’était mon ami Gérald qui avait mis fin à ses jours, dans cette maison à Digne, trois ans auparavant. Il savait qu’il n’aurait bientôt plus l’usage de ses jambes et il ne supportait pas de vivre entre ces murs le reste de sa vie. J’avais eu le malheur de raconter cette histoire aux jeunes adolescents, en précisant que la maison du pendu, abandonnée depuis, se trouvait non loin du gîte. Les parents de Béatrice avaient accepté de retirer leur plainte à condition que le programme soit suspendu immédiatement.

Grâce à une retraite anticipée, je marchais de plus en plus longtemps tous les jours. J’avais encore des nouvelles de Yannis. Pour lui, le programme avait eu l’air de porter ses fruits. Après avoir passé et réussi le brevet des collèges en candidat libre, il avait commencé un apprentissage de garde forestier et déjà fait plusieurs stages d’accompagnateur de randonnée pédestre.  Encore un pour qui l’enfer c’était vivre intra muros et ce, quels que soient les murs. Yannis et moi avions réussi à briser le mur de l’incompréhension mutuelle. Mais les autres…


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