Troisième
cercle, le 15/07/04.
Miroir, oh mon beau
miroir,
Alouette, alouette,
Alter ego,
Ma bonne oreille,
Comment
dois-je vous appeler ? Béa(titude) ou Béa –bouche cousue- ? Quand
abandonnerez-vous les faux-fuyants et les métaphores ? Certes elles
sont belles mais elles ont le don de me laisser sur ma faim. Du coup, je vous
relis à chaque fois en fumant une nouvelle cigarette et vous n’êtes pas sans
savoir que Fumer peut nuire aux
spermatozoïdes et réduit la fertilité, que Fumer tue, et vous lire me fume.
Il faut
d’abord dissiper un malentendu. Nous répétons les mêmes mots sans pour autant
désigner la même chose. Ainsi de l’adverbe ici.
Deux personnes qui s’écrivent savent ce que le terme recouvre pour l’autre. Je
reconnais que j’entretiens également les faux-fuyants puisque lorsque je
désigne mon ici, c’est avec les lieux
de la Divine Comédie. Or, ici, c’est la prison (ceci n’est pas une
métaphore), le centre de détention de Luynes pour être précis. Je ne vous l’ai
pas dit tout de suite pour éviter toute compassion ou rejet de votre part mais
puisque j’abats mes cartes, abattez les vôtres.
Je côtoie
donc les damnés, les âmes en peine de la société et l’enfer, c’est de ne pas
pouvoir s’isoler. Seuls, les délinquants sexuels ont droit à une certaine
intimité pour leur sécurité, puisqu’ils sont placés en QI (quartier
d’isolement).
Si je vous
ai bien lue, l’enfer est ailleurs pour vous. Il se situe dans ce non-lieu que
vous appelez « R.F ». J’en déduis donc que cet ici d’où vous écrivez, s’il n’est pas l’enfer, n’est pas non plus
le paradis. Vous parlez d’ailleurs de « lavage de cerveau ». Ici,
aussi, on y a droit. Notre territoire commun serait donc un purgatoire. Je
purge depuis trois ans une peine de vingt ans de réclusion pour homicide
volontaire. J’ai fumé un fumier, non fumeur qui plus est. Je reconnais que le
jeu de mots n’est pas fameux mais on a le droit, m’avez-vous dit. Quand vous saurez
que ce fumier a été à la tête d’un réseau pédophile, que Lulu a été l’une de
ses victimes et qu’il s’est suicidé à cause de cela, vous ne manquerez pas de
me trouver des circonstances atténuantes
Mais alors me direz-vous, quel est le rapport entre la
cigarette et mes crimes? Pour l’instant je vous brosse le portrait du
redresseur de torts, le justicier solitaire. Vous dire que ma victime
appartenait à une ligue anti-tabac n’est qu’un élément du problème. En le
tuant, je n’ai fait que me débarrasser de ma culpabilité. La cigarette fumée
après mon crime est comparable à celle après l’amour. J’ai commis d’autres
crimes, ensuite - tous en période de sevrage, tous suivis d’une cigarette.
Alors, me direz-vous, pourquoi vouloir s’arrêter ? Et je pourrais vous
répondre qu’ici je ne peux guère commettre l’irréparable (quoique…) mais non,
cet autre qui prend ma place, ressemble beaucoup à ma première victime, à ce
salaud, à ce fumier. Comme lui, je pratique le mensonge et attire mes victimes
par la gourmandise. Bien sûr je ne viole ni ne tue plus personne, mais il y a
d’autres manières de faire du mal. Comme cet autre qui prend ma place vous fait
peur…
Je vais
vous laisser, c’est assez pour aujourd’hui.
Sauvez-moi
Béatrice, sauvez-vous, puisque vous êtes moi. Aidez-moi à me comprendre, à vous
comprendre. S’il y a des lois dans cette maison où vous travaillez, changez-en.
N’acceptez pas la censure de La Cigalère. Envoyez-les au diable, et rendez-vous
au Paradis. Pourquoi vous laissez-vous faire ? D’accord, c’est un
hors-la-loi qui vous parle. Vous conviendrez que j’ai beaucoup donné de
moi-même via Lulu. Vous ne mourrez pas parce que je ne le veux pas. Courage,
n’ayez pas peur, et surtout pas de moi. Je ne vous veux aucun mal. Je ne veux
que le mien.
Al
(a merci de vous).
Texte: Christine Zottele
Photo: Leo Perriguey
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