Aujourd'hui, commence le feuilleton de l'été. Il s'agit d'un roman épistolaire à deux mains (celles de Béatrice et la mienne), rédigé il y a un peu plus de 13 ans et retravaillé cet été au fur et à mesure des publications, du moins pour ma partie.
Dans
la forêt obscure, le 08/07/04.
Madame, Monsieur,
J’ai bien pris connaissance des
conditions et modalités du contrat qui nous lie et les accepte sans rechigner
d’autant que le dernier article stipule que je suis libre de rompre mon
engagement à tout moment. J’ai bien noté que, le cas échéant, tous les
versements effectués ne me seraient pas remboursés et que l’originalité du
traitement consiste, outre une relation exclusivement épistolaire, en la
quasi-absence de règles, exceptés l’anonymat réciproque et l’obligation
d’indiquer le nombre de cigarettes en notre possession à la signature du
contrat. Je viens de les recompter et vous confirme le chiffre indiqué sur le
contrat ci-joint, à savoir 4 paquets de 25 cigarettes plus un paquet presque
terminé dans lequel ne vont pas tarder à se consumer d’amour pour moi et sur
mes lèvres charnues deux tendres cibiches (admirez) entre parenthèses le
lyrisme effréné (sans guillemets et sans parenthèses) de votre correspondant,
aussi ai-je choisi de signer tout simplement Dante. Serez-vous ma
Béatrice ? Ou plutôt mon Virgile me guidant dans l’enfer que je m’apprête
à traverser ?
Tout ça m’a fatigué et je vais m’en griller une aussi sec comme
dirait Jacquot. Vous pouvez d’ores et déjà considérer que j’en serai à quatre-vingt-dix-neuf
avant de cacheter cette lettre avec mon premier chèque où j’ai comme qui dirait
le sentiment de me faire avoir. « S’arrêter de fumer par
correspondance » ne serait-ce pas une vaste fumisterie, sans vouloir faire
de vilain jeu de mots ? De toute façon, c’est l’histoire de ma vie, ça. Si
vous en éprouvez l’envie, je vous la raconterai : elle tient en deux ou
trois cercles de fumée. Je peux déjà vous fredonner : Toute la sainte journée, elle me colle au bec… Sans elle, j’ai l’air
d’un poussin cherchant son omelette…
Donnez-moi vite un nom, une raison
de continuer à vous écrire, qui êtes-vous belle inconnue ? (Vous- je m’adresse au lecteur fantôme de
la société Cigalère qui prendra la décision de m’affecter un correspondant-
vous, donc, avez deviné que je préférerais
si possible, écrire à une femme, cultivée et sensible.)
J’ai déjà tenu presque une heure- le
temps de rédiger cette lettre- sans en fumer une et ayant la liberté de fumer
les cigarettes qu’il me reste, il me semble que le nombre inscrit sur le
contrat va diminuer considérablement d’ici que vous receviez la lettre.
Je vous envoie mes salutations
intoxiquées en espérant bientôt vous lire et traverser avec vous l’Achéron pour
rejoindre les Limbes de l’inconnu.
Al.
Dante.
Texte: Christine Zottele
Image: Léo Perriguey
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