samedi 6 décembre 2014

la route commence et finit par la mer




La mer est bleue comme une crêpe salée
La mer se creuse comme une assiette
La mer est noire comme un miroir
La mer me nage me flotte me danse



La mer est grise après trois verres
La mer a fait nuit blanche
La mer est rose comme du sel
La mer a le même nom à Marseille qu’à Beauduc
La mer pique comme un hérisson



La mer réfléchit au ciel
(paraîtrait que le ciel est tombé dedans quand il était petit)
Jamais la mer ne tombe
Jamais elle ne m’a laissé tomber
La mer m’envahit parfois la nuit



Le soleil braille sur la mer qui soupire
Mer portes ouvertes
La mer voyage

Je roule vers la mer




Images: Philippe Marc

dimanche 16 novembre 2014

Black, souvenir baobabesque

Abdellaziz Abdi, dit "Black"


Il a vécu mon ami. Il nous a quittés. Il est parti.
Partir, partir un peu, partir beaucoup, partir toujours. Décéder. Mourir. S’éteindre. Passer. Trépasser. Rendre l’âme, mais à qui ? Calancher, caner, claboter, clamser – un peu plus de rythme et de couleur mais tout aussi menteurs ;  claquer, crever, cronir… Cronir, vraiment ?
Être emporté, être rappelé (par qui ? demandent ceux réduits à se le rappeler tel qu’il a été, non-mort, vivant, tellement vivant…), être ravi ( comme dans Le Ravissement de Lol V. Stein), toutes formes passives inacceptables !
Disparaître. Insupportable. Ne plus jamais. Ton sourire, ne plus jamais. Ta voix, ne plus jamais. Ton regard, ne plus jamais.
Je tente d’épuiser tous les verbes/adverbes et consorts de la mort mais c’est elle qui m’épuise, nous qui ne rêvions que de puiser.

Tu m’avais appelée il y a un mois et demi : était-ce pour me dire adieu, savais-tu ? Bien sûr que oui, avec ta sensibilité d’extra-lucide ! Absente, je m’en voudrais toujours de t’avoir manqué. J’essaie de me rappeler la dernière fois que je t’ai parlé au téléphone, la dernière fois que je t’ai vu. Puisons plutôt à d’autres souvenirs.

Beaumont, ta guitare en bandoulière, tes sourires toujours, tes petites amies toujours parmi les plus belles, tes yeux bienveillants toujours, la musique qui coulait de tes doigts avec l'évidence d'une source, quel que soit l’instrument, les discussions dans le train à en oublier la correspondance à Montsoult, les années festives, les années moins festives, toi et la meilleure de mes amies, votre fille, si belle de vous deux… Partie dans le sud, j’ai souvent de tes nouvelles, de tes soifs, de tes déserts… mais tu les traverses toujours, tu en viens à bout toujours. Tu m’appelles parfois avec ta voix grave et chaude : elle me soutient quand je me noie (dans un verre d’eau) : tu sais toujours me faire sourire.

La Normandie, plus tard à ce que nous croyions le mitan de nos vies, l’abbaye de Jumièges, Étretat, les arbres que tu aimais tant  - charme et hêtre à seins, ton premier arbre peint avec un mystérieux œil rouge sur le tronc – que tu m’avais offert– la petite bonne femme qui court, qui ne s’arrête pas c’est toi  tu m’avais dit… Cet adjectif que tu avais inventé baobabesque… Et les cimetières – marin à Varengeville-sur-Mer, parisien au père Lachaise (balade humour noir), natal (comment peut-on dire cimetière natal ? pourtant celui de notre ville de naissance ou presque) et les légendes, la dame blanche de Mortemer, les Sept Dormants d’Éphèse – cette légende commune aux chrétiens et aux musulmans, puisses-tu encore dessiner et jouer de la musique et te réveiller dans trois cent neuf ans.

Tu te verrais mort, tu en rirais.
Pas nous.

Et puis t’es mort tellement de fois, autant as-tu ressuscité.




mercredi 12 novembre 2014

portes ouvertes

Photos Philippe Marc, Avignon octobre 2014



Ce que j’aime le plus dans les portes, c’est leur possibilité de s’ouvrir. Comme les livres, comme les fleurs, comme un phare, elles délivrent un parfum ou un message ou encore ouvrent un chemin possible dans la nuit. Elles nous ouvrent d’autres portes. Aimables portes de prison lorsqu’elles n’emprisonnent plus.

Nous, nous payons pour entrer,  pour l’exposition mais aussi pour sentir un peu comment c’était, ce que ça faisait, la détention dans ces lieux qui ne détiennent plus que des œuvres d’art. Loin de détenir un bout de vérité, nous sortons tout de même, soulagés, de voir le ciel par-dessus les toits, si bleu si calme… Parce que la première fois, nous n’étions passés qu’en coup de vent, nous sommes revenus à la prison Sainte-Anne à Avignon pour mieux apprécier « La Disparition des lucioles ».



Dresser un jour la liste des choses qui ouvrent. Oui, mais voilà. Il n’y a pas que ça. Il y a quelque chose qui veut entrer de force… Comme si l’écriture mettait un pied dans la porte que je tente désespérément de refermer quand je vois qui a sonné à l’entrée. C’est d’abord la pensée de cet ami sur son lit d’hôpital, là-haut au nord de Paris, pour lequel on aimerait tant que les avenirs s’ouvrent encore à l’infini ou presque. Plus qu’une luciole, il a été, à une période de ma vie où tout semblait se fermer, presque un phare dans la nuit.


Refuse de fermer les yeux.

jeudi 30 octobre 2014

notice #3: bandes de stéréotypes prêtes à l'emploi



le viaduc de Millau ou le pont comme un poème, Philippe Marc

Précautions :

Ce produit convient pour une utilisation sur les iambes, les ritournelles, le rondeau, les rengaines, mais il NE CONVIENT PAS pour une utilisation sur toute autre partie de l’ouvrage. N’utilisez pas les stéréotypes sur les boutons, coupures, cicatrices, varices, grains de beauté, un poème altéré, irrité, brûlé par le soleil ou un poème ayant déjà réagi à  la réécriture aux stéréotypes dans le passé. Les bandes de stéréotypes sont efficaces sur les vers entre 2 syllabes et 5 syllabes. Si vos vers sont plus longs, coupez-les avant la réécriture pour éviter les sensations d’inconfort. Demandez conseil à votre médecin avant la réécriture si vous suivez actuellement un traitement pouvant affecter votre poème ou si vous souffrez de problème de poème. La réécriture aux stéréotypes ne convient pas aux personnes âgées ou diabétiques ou sous rétinoïdes oraux.

Avant l’utilisation, TOUJOURS TESTER LA RÉACTION DE VOTRE POÈME en appliquant le stéréotype et les Lingettes Finition Parfaite sur une petite partie de la zone que vous souhaitez réécrire, en suivant le mode d’emploi. Si après 24 HEURES aucune réaction désagréable de l’épiderme n’est constatée, commencez la réécriture. Si vous utilisez les stéréotypes pour la première fois, nous vous recommandons de commencer par la réécriture des iambes, puis de réécrire les zones plus sensibles telles que les ritournelles et le rondeau. Nous vous recommandons de ne jamais réécrire deux fois de suite une même zone lors de votre séance de réécriture.

Après la réécriture, nous vous recommandons d’attendre 24 heures avant d’appliquer un déodorant, du parfum, de se baigner ou de s’exposer au soleil. À CONSERVER HORS DE LA PORTÉE DES ENFANTS. En cas d’ingestion, consultez immédiatement  un médecin et montrez-lui l’emballage. En cas de sensation de picotement ou de brûlure pendant l’utilisation, enlever immédiatement le stéréotype à l’aide de la lingette et rincer abondamment avec de l’eau. Si la sensation persiste, consulter un médecin.

                                                                                                         


Dans la notice d’origine, stéréotypes remplace « cire » ; iambes « jambes » ; ritournelles « aisselles » ; rondeau « maillot » ; rengaines « bras » ; ouvrage « corps » ; réécriture « épilation » ; vers « poils » ; syllabes « millimètres » ; peau « poème ».



dimanche 19 octobre 2014

notice #2 : utilisation du n'a-qu'un-œil tout en nageant

Photo Philippe Marc, of course... thanks

(à lire avant d'utiliser le N'a-qu'un-œil)
   
Pour utiliser votre N'a-qu'un-œil tout en nageant, notez ce qui suit et placez votre N'a-qu'un-œil correctement dans vos oreilles:

            * Choisissez la taille d'oreillettes qui vous convient le mieux
            * Fixez bien votre N'a-qu'un-œil dans vos oreilles

Remarques sur l'utilisation pour la baignade

            * N'utilisez pas le N'a-qu'un-œil dans des endroits où cela pourrait être dangereux de ne pas entendre les bruits environnants.
            * Que ce soit dans des piscines publiques ou privées, utilisez le N'a-qu'un-œil conformément au règlement de l'établissement.
            * N'utilisez pas le N'a-qu'un-œil tout en nageant dans une rivière ou dans l'océan.


(N'a-qu'un-oeil remplace Walkman dans la notice d’origine)