jeudi 31 décembre 2015

lignes de flottaison

Photo Philippe Marc, Marseille 2015


quant à ces lignes
îlot sol y terra
sol y terra incognita
sont-ce trous d’usure
ou arbres en square

quant à ces lignes
entre lesquelles crawlent
les nageurs en piscine
dessalée dessoûlés
ils crawlent les nageurs
croulent
de fatigue
font des lignes
et des lignes
mais ne coulent pas

seule la bouteille
flotte
surnage
au-dessus des lignes
bouteille à
ivresse – la mère s’y est
noyée – la bouteille
à génie littéraire
a été bue
jusqu’à
la lie par

Schaérazade



mercredi 30 décembre 2015

dimanche 11 octobre 2015

tout le monde

Ile Sainte-Marguerite (Lérins) prise de mon portable, le 20/09/15


Tout le monde bavarde, babille ou blablate,
Moi seule crie le silence…
Tout le monde aime les chansons d’amour qui finissent mal
Moi seule chante l’eau qui bout comme une profonde casserole
Tout le monde rêve la nuit de merveilleux pays de mer et de soleil
Moi seule songe le jour à la nuit et à la pluie
Tout le monde dit Le monde va mal, il ne tourne plus rond, y a plus de saison
Moi seule tourne le monde rondement rond tournant autour de mon nombril…


(gribouillé en même temps que mes élèves de 6e en atelier d'écriture)


samedi 19 septembre 2015

à mon corps défendant


photo Philippe Marc



À mon corps défendant,
à mon corps touchant, touché, coulé,
j’achève l’été
d’un coup sec sur la tempe

à mon corps sans tête,
ou plutôt la tête sous le bras,
la mauvaise tête, la tête qui ressasse,
embarrasse,

à mon corps lourd, fatigué, usé,
cependant servile, servant et chevalier,
à mon corps et la tête de remplacement,
celle au léger sourire flottant,
qui convient en toute circonstance,

je dis J’accueille l’automne.


lundi 14 septembre 2015

agenda


photo Philippe Marc, Marseille, Callelongue


Mardi : prendre la voiture
Mercredi : prendre la voiture en chantant
Jeudi : prendre son courage à deux mains, continuer à tenir le volant
Vendredi : ne pas prendre ses jambes à son cou, prendre le courage qui manque à d’autres mains mais lesquelles ? y aller à reculons, avancer cependant…
Samedi : prendre le temps
Dimanche : prendre le bateau pour une île et deux anniversaires

Lundi : prendre le train de l’écriture

Mardi: prendre de l'essence


jeudi 6 août 2015

Personnes que je n’ai vues qu’une seule fois /1 : Esther



« Tout ce qui n’a pas de paupières et à 360° », c’est le genre de consigne que donne Esther au groupe d’écrivants réunis autour d’elle à la gare de Miramas. Elle précise, bien sûr. Porter son attention sur la matière des sons. « Mesdames et Messieurs, attention au passage d’un train, éloignez-vous de la bordure du quai, s’il vous plaît ». Sifflements, chuintements, glissements des trains arrivant et repartant. Grésillement électrique des caténaires, stridulations des cigales et de l’air,  bruissement des arbres entre deux trains. Sage et scolaire, je note « tout ce qui n’a pas de paupières et à 360° », ainsi que cette parole d’Esther.

C’est ma première Esther. Le prénom d’une reine. La reine d’un petit peuple nomade qui va écrire en suivant ses propositions dans un train ou aux arrêts sur la ligne Marseille-Miramas. Un peu plus tard, sur la plage de Sausset elle sortira de son sac des livres dont elle nous parlera. Elle lira quelques extraits, des tables de matière à, notamment des gens qu’on n’a vus qu’une seule fois… Esther en fait encore partie. Pourtant, je pressens que ce ne sera pas toujours le cas. Une seule fois, mais toute la journée et dans une attention particulière. À la gare de Niolon, attendant le train de 16H57 qui n’arrivera pas, nous sommes assises côte à côte. (J’aime ce nous). Esther m’apprend que sa fille est née à Pertuis, comme mon fils au moins une dizaine d’années auparavant. Petit point commun (il faut que j’arrête avec cet adjectif petit) avec elle qui se met à écrire des phrases sur des petits carrés de papier blanc. « Fais passer » me dit-elle. Je passe les mots de la passeuse à ma voisine. Nous voilà tous à faire passer les mots d’Esther (pourquoi n’ai-je pas eu l’idée d’en noter quelques phrases) qui nous/me conforte dans l’idée que c’est une reine du paysage.

C’est une paysagiste qui apprivoise les cigales. Un peu plus tôt, à Niolon, devant le café « la Canne bambous », elle recueille sur son bras une cigale mal en point tout en nous murmurant des choses à l’oreille. Nous lisons quelques phrases de nos textes. Elle nous suggère de répéter quelques mots, quelques bouts. Nous sommes en cercle (sauf la cigale sur le bras d’Esther), comme un chœur antique, dans le plus beau paysage méditerranéen qui soit, face à la mer et la beauté bleue de cette journée. Toutes les personnes du groupe, je ne les ai vues qu’une seule fois et pourraient faire l’objet d’un portrait (ce sera peut-être le cas) mais aujourd’hui c’est celui d’Esther dont je ne sais presque rien, sauf l’essentiel : c’est une reine cigale qui passe des mots à qui veut bien les lire et les entendre.