jeudi 30 janvier 2014

claude




En cherchant trace sur internet d’une improbable librairie à Marseille, j’ai appris par hasard la mort de Claude, en novembre dernier. On pourrait faire ce raccourci facile : Il venezia, il sganarella et surtout photographia. On ne se voyait pas souvent mais on s’appréciait mutuellement je crois ; c’est quelqu’un qu’on n’oublie pas.
Le grain de sa voix d’abord. Je me rappelle son sourire aussi. Mais sa voix était de celles vers lesquelles l’oreille tend. La mienne du moins. J’aimais l’écouter parce qu’il était de ceux qui écoutaient, justement. Lui et Colombe – il s’appelait Venezia et avait épousé une Colombe, ça pourrait s’inventer – m’avaient offert un jour Le Poisson-scorpion de Nicolas Bouvier ; ce fut une rencontre littéraire essentielle pour moi et j’ai toujours pensé que c’était Claude qui en était l’artisan.

Nous avons répété une année La Nuit de Valognes d’Eric Emmanuel Schmitt, que nous avons jouée deux ou trois fois. Ton Sganarelle fumait la pipe avec sagesse et les ronds de fumée prolongeaient tes répliques avec justesse. La mémoire me joue des tours… Impossible d’imaginer qu’il ait été possible de fumer sur un plateau, même à cette époque…  Cependant, j’ai oublié le texte mais pas tes ronds de fumée espiègles et malicieux. Peu de temps après, j’ai appris que tu étais malade.
L’an dernier, je suis tombée par hasard sur ton expo à Aix. Je ne passe jamais par là d’habitude. C’est peut-être la musique de l’accordéon qui a dit à mes oreilles qui ont dit à mes pieds qui ont dit à mes yeux d’y aller voir… Tes belles photos du Paris de ta jeunesse, avec du grain, aussi, comme ta voix… Ton expo s’appelait le Passé simple. J’avais oublié ça. C’est le nom que j’ai inscrit sur le moteur de recherche.
Tu m’avais dédicacé un de tes livres de photos,  je suis une rivière (texte de Jacques Norigeon, « Propos|2 éditions ») sur la rivière de l’Arc dont tu suivais, inquiet, le cours et le destin… Il paraît que ta tombe n’est pas loin de celle de Cézanne.

 Le passé est-il plus simple à conjuguer aux autres temps qu’au présent de nostalgie? …