vendredi 26 septembre 2014

Défini, fini, infini | expo Buren, Marseille

Photos Philippe Marc, Marseille septembre 2014



Ce fut possibilité de définir, on l’appela défini.
Définir entraîna le fini qui se multiplia, se déploya tant et si bien qu’il n’en finissait pas de finir…
Ce fut alors volonté de ne pas finir, on l’appela infini.



Ce fut impossibilité de la définir, tant débordait de partout son immensité, je crois qu’on l’appelait Océan
La terre finit par circonscrire l’eau marine en son milieu, on l’appela Méditerranée
Le ciel ne voulait toujours pas finir,  il ne cesserait jamais d’être infini.



Sur le toit de la cité Radieuse définie par le Corbusier
Ora Ito posa le Mamo et appela Buren pour finir l’été

Ces trois-là offrirent l’infini aux Marseillais…





Un grand merci à Philippe pour ces images... 


vendredi 12 septembre 2014

Rentrer, faire des croix |5


Photos de Philippe Marc que je remercie chaleureusement


En réalité, ces grands échassiers roses ne paraissent pas de près ce qu’ils paraissent de loin. De loin on dirait une secte d’illuminants occupés à sonder les marais de leurs secrets ou à des pratiques plus occultes encore. D’autres, tels des moines d’une religion du silence à inventer, déambulent d’un pas aussi tranquille que mesuré. Ils semblent n’être là que pour apporter douceur rose à cette contrée sauvage. Pourtant, sauvages corps et âme, ils fuient nous autres les civilisés. Ils font mine de ne pas nous voir, mais s’éloignent insensiblement de nous - les intrus qui tentons de les approcher - avec leurs grands pas d’échassiers. Nous ne savons donc pas de près leur semblance. Seul l’œil de verre zoomant de l’arpenteur s’en approche.



En réalité, jamais leur faim n’est assouvie. Leur pitance est si minuscule et leur corps si grand ! Ils passent des heures le bec dans l’eau - bec ultra-perfectionné et performant filtrant l’eau de la vase un peu à la manière des fanions des baleines. La première fois qu’on les voit, on peut être déçu par la pâleur du rose layette. Surtout si l’on a vu dans les reportages animaliers l’autre espèce de flamants, beaucoup plus ruber que roseus des flamants de Cuba ou des Caraïbes. L’article Wikipédia est un poème mais il ne mentionne pas les flamants de Sauvargue.



En réalité, ils ont une vilaine voix, une voix d’oie qui nous raille, en surgissant d’on ne sait où sinon du ciel. Mais quand ils volent, flamme en ciel, flamme en rose vif  dans soleil couchant, la pourpre l’emporte sur le rose. Le blanc rosé du cou et du corps, les ailes et le bec noirs, le rouge vif parent leur magnifique déploiement. Excepté l’arpenteur et son gros œil de verre, on aperçoit rarement la bague aux doigts de leurs pattes. Ils restent fidèles le temps d’un accouplement et d’un Œuf unique que mâle et femelle couvent en alternance.



En réalité, tu ne vas pas me croire. L’arpenteur avait disparu avec la presque nuit. Les grands oiseaux sont passés en formation non loin de moi. Je m’étais allongée sur le sel. Quand je les ai vus inscrire des signes évoquant vaguement des K couchés, j’ai compris que je ne savais plus lire. Ni leur monde, ni le mien. Mais à choisir je préfèrerais vivre dans le leur. D’ailleurs j’adore les crevettes. Il a pourtant fallu rentrer.  









dimanche 7 septembre 2014

Rentrer, faire des croix |4

Cette image (et toutes celles qui suivent) grâce à l'œil de Philippe Marc que je remercie vivement.


Je te raconterai ce pays bleu blanc beige qui n’a pas de nom. Ou peut-être la Sauvargue. Les paysages de cette contrée tiennent à la fois du désert de Kalahari et de l’île Solitude dans la mer de Kara, de la Méditerranée ou de la Mer Blanche. Enfin j’imagine. Il est d’autant plus difficile de les caractériser qu’ils changent tout le temps. On a l’impression parfois d’être sur la banquise du grand Nord, parfois sur les dunes du grand Ouest. Difficile aussi de les délimiter, les frontières se déplacent sans arrêt, tout change sans cesse de place, même le haut et le bas. Le sol aussi est incertain. Il est imprudent de s’éloigner de la piste. On avance avec précaution sur une croûte de sel d’un marais asséché et soudain on s’enfonce dans la vase noire de la lagune. Les sables mouvants ne sont pas des légendes.



Je ne te raconterai pas le vent car le vent se raconte tout seul. Il souffle des histoires à faire peur et à soulever les caravanes. On a vu les campements des derniers nomades – détruits/reconstruits – soulevés et déplacés de deux ou trois lieues par la seule force du vent. Plus que les être humains, c’est le vent qui crée les formes de cette contrée improbable. Ici, les hommes semblent avoir perdu le combat contre la nature. C’est justement parce qu’ils ont considéré les choses comme un combat qu’ils ont perdu. La piste unique, creusée par les dernières grandes pluies du printemps, met à mal les véhicules.




Je ne te raconterai pas non plus les couleurs, les images de l’arpenteur y pourvoient amplement et bellement. En revanche, je te dirai ceci : ici, il y a de drôles d’oiseaux qui ressemblent aux maillets d’Alice et de la Reine de cœur lors de la partie de croquet. Tu ne me crois pas ? Tu dis que c’est un conte pour enfants ? Je te montrerai les images, tu verras… Pour l’heure, il est tard.





jeudi 4 septembre 2014

Rentrer, faire des croix |3



Rentrer vraiment demain. Faire des croix sur les plages de liberté. Désormais notre temps sera employé comme il se doit, comme on l’attend de nous, dans l’intérêt du service. Petite panique qu’on fait semblant d’ignorer en nettoyant le cartable, en triant les papiers, les livres.

Hier, on s’est octroyé une journée sauvage en Camargue avec l’arpenteur des ombres. C’est le rituel du dernier jour des vacances avant d’affronter l’autre sauvagerie. Là-bas, le paysage n’est  jamais le même. Hier, il tend à l’abstraction. De larges bandes blanches alternent avec des stries bleues ou ocres plus ou moins étroites. On expérimente aussi de nos pas différentes textures : de la terre craquelée de la piste, au sel crissant sous nos pieds comme neige fraîche, jusqu’à la vase noire dans laquelle s’enfonce une panique de sable mouvant. Les flamants reculent insensiblement.



La tête en bas, les flamants font les autruches. On dirait qu’ils refusent d’être photographiés. Quelques-uns passent en volant très près de nous. Rentrer dans la voiture et reprendre la piste de moins en moins praticable. Les cahots font partie du charme du voyage. Arriver ici se mérite. Pas de vent, pas de kite-surf et un ciel trop bleu. Apercevoir les premiers campements –vieilles caravanes bungalows précaires… Ensuite entrer dans la mer dans laquelle il faut marcher longtemps avant de pouvoir nager (et encore dans le bassin des enfants). Pas grave. On ne vient pas ici pour la natation. Supporter les attaques incessantes des moucherons. Rentrer au coucher du soleil.




Revoir les flamants. Ne pas faire l’autruche. Rentrer demain dans la normalité.



(De meilleures photos de l'arpenteur suivront, j'espère... mon appareil trimballé partout mériterait un bon nettoyage)

mercredi 3 septembre 2014

Bon anniversaire Jan!



Photo de Philippe Marc, Jan Doets à Lourmarin, 2014

Aujourd’hui, tu as quatre fois vingt ans et toujours pas l’âge de raison – de cette raison suffisante, étouffante, sclérosante. Il y a quatre-vingts ans, aux Pays-Bas, tu viens au monde en t’ébrouant comme un chien d’eau. Et le monde vient à toi. Et tu continues ton rêve. Tu es déjà un cosaque des frontières et tu accueilles tous les dépaysés.

La première fois que tu as vingt ans, tu es déjà en amour pour la France, sa langue, ses écrivains. Tu la rêves, tu la verras, tu la liras avec tes yeux de brume et de marécage. Toi, l’homme du nord, tu songes au sud, tu vas y voir de plus près : d’abord Paris, Versailles et puis un train pour Marseille… Tu apprends Marseille (et les Marseillais) et la mer te tend les bras.

Tu as encore vingt ans, tu prends la mer dans tes bras, tu voyages, rêves, travailles, rêves, vis, rêves, aimes, rêves, voyages…
Un jour tu m’annonces que tu vas voyager en Cosaquie.
-       Mais jan, ça n’existe pas ! je réponds un peu bêtement. C’est un beau rêve, ton rêve, mais c’est un rêve !
-       Bien sûr que ce rêve est réel, regarde, je t’envoie la liste des Cosaques et des villes que je vais visiter…
-       Bon voyage, fais de beaux rêves…

Un jour, tu as encore vingt ans, tu viens en Avignon, puis en Luberon, à Lourmarin, nous allons sur la tombe de ton cher Camus, non loin de celle de Bosco. Tu me fais entrer un moment dans ton rêve comme libraire du Passé simple intermittent et nous voyageons de nouveau autour de tes vingt ans. Nous partageons des vases avec Philippe, Brigitte, Anna, Claudine… Je te dis que tu es beaucoup plus jeune que tu ne le penses.


 Nous sommes nombreux à t’aimer en Cosaquie. La cause à qui ? À toi, notre cosaque rêveur/ révélateur de plumes chatoyantes ou à bec – oui il y a des plumes à bec – rassembleur, nous t’aimons très fort, la cause est acquise en Cosaquie et ailleurs …  Nous te souhaitons aujourd’hui un très bon anniversaire, Jan !