mercredi 4 juin 2014

comme par hasard #5

Photo Philippe Marc (merci ;))


Mercredi 28 mai. Epreuve histoire des arts au brevet. Une épreuve pour ces tout jeunes candidats au brevet, souvent le premier oral de leur vie. Difficile de ne pas lire ses notes, de dire autre chose que du prémâché et/ou mal digéré, difficile pour eux de dire dans un langage adapté les choses personnelles que le jury aimerait entendre. Difficile pour le jury de faire de la joie avec cette journée rattrapage du pont Ascension, difficile pour le jury de ne pas s'attendre au pire avec la vingtaine d'élèves de troisième - qu'on ne connaît pas - présentant tous plus ou moins les mêmes listes. Les élèves avaient pourtant la possibilité de choisir deux oeuvres libres sur les 5 à présenter.

 "L'Affiche rouge" + "Strophes pour se souvenir" d'Aragon : 5
"Guernica" de Picasso : 4
"Le déserteur" de Vian: 3
Préface de "Si c'est un homme" de Primo Levi: 2
"La rose et le réséda" d' Aragon
Tardi "C'était la guerre des tranchées"
Doisneau: "Paris sous l'occupation" ou "Amours et barbelés"
Les autoportraits de Bacon et de Van Gogh...

Nos candidats se sont plutôt bien préparés et la tenue des exposés est une bonne surprise mais en fin d'après-midi, nous commençons à sentir la lassitude. La salle de classe est froide. Nous avons tiré les rideaux car de nombreux élèves utilisent le rétroprojecteur pour projeter un diaporama. Il nous reste encore deux candidats.

Enfin, elle se présente devant nous. Pour changer un peu de "Guernica" ou de "L'affiche rouge" et nous faire plaisir, nous avons au préalable choisi "Femme noire" de Chants d'ombre de Senghor, seule occurrence parmi les listes. Elle commence à lire à voix haute. C'est une liseuse de lumière. Elle lit le poème avec sa peau, ses yeux, sa bouche: elle lit en ruisselant de la lumière. Vraiment. Ce n'est pas une métaphore. Une vraie lumière chaude et ambrée. Que je vois de mes propres yeux, avec ma peau et mon sourire. Elle est la Femme noire du poème. Toutes les femmes du poème, même les plus âgées. Elle est Senghor. Elle est langue libre et décolonisée. Elle est la liseuse de lumière.


La liseuse de lumière n'est encore qu'une jeune fille souriante qui a compris toutes les femmes libres de ce poème et tout de la lumière de l'Afrique et tout du rythme et du phrasé du poème. Après la lecture, elle commente. De manière respectable et classique. Heureusement, subsiste encore la lumière de sa voix. On voudrait la retenir pour notre dernière "Affiche rouge".


2 commentaires:

  1. Un moment de bonheur
    (un rideau opaque qui s'ouvre sur l'ailleurs)
    dans une vi(d)e de prof
    c'est à retenir
    par tous les bouts.

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  2. oui un moment de grâce dans ce vi(d)e qui nous vide de toute énergie parfois... merci pour votre passage!

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