mardi 24 février 2015

habiter là aussi


gare AixTGV (prise de mon téléphone)


Habiter là aussi.
…une route au petit matin, quand il reste un peu de nuit, direction Pertuis, une route mouillée, éclaboussée de phares aveuglants – habiter les lumières jaunes plutôt que les blanches, habiter un court moment l’habitacle des voitures d’en face, celles qui vont dans le mauvais sens à cette heure – trafic dense jusqu’à Marseille – habiter le regard halluciné de l’autre en face, un bref instant, croiser les regards et intervertir les corps, les déplacements, changer de direction.



Habiter là aussi.
… le TGV 2912, voiture 17, place 22 de 9h20 arrivant à Paris Gare de Lyon à 12h23. Habiter le défilement des paysages traversés comme un film documentaire sur « l’expression de la vitesse dans la peinture moderne » qu’on regarderait sans le son. Habiter les lignes du livre ouvert entre les mains vers lequel on revient par intermittence. Habiter une autre histoire pour déshabiter la sienne, déshabiter son corps. Déshabiter son corps à soi, son corps assis, trop assis. Soudain, le corps réclame le mouvement. Réhabiter son corps – le réhabiliter aussi - marchant dans le sens de la marche du train. Déséquilibre dû à la différence entre les deux vitesses de déplacement. Vertige assez léger pour être agréable.



Habiter là aussi.
… la lecture à voix haute de cette prof de russe que l’on ne connaît pas et qui parle de maisons – en russe il existe trois mots pour l’exprimer : la maison où l’on vit, la maison où l’on va, et les esprits de la maison – écouter la voix sourde des tréfonds à la fois exaltés et angoissés de cette femme qu’on imagine sans peine s’appeler Anna. Habiter la tristesse et les yeux fatigués d’Anna qui ne s’appelle pas Anna. Habiter chacune des voix lisant autour de la grande table. Les habiter vraiment.
Et à son tour, habiter son je.

Habiter là aussi.


1 commentaire:

  1. et oui emporter sa maison, qui n'est finalement que ce coquillage où résonne sa voix.

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