lundi 4 mai 2015

ton sourire, ton café, l'été






Pourquoi le besoin de m’adresser à toi comme si tu étais encore vivant ? Est-ce pour faire durer l’illusion ? Pour ceux qui restent ? (ta compagne – mon amie -, tes enfants – le meilleur ami de mon fils et sa sœur qui aura vingt ans demain…) Ou pour moi ? Pour penser à toi d’une autre façon ? Pour concevoir l’inconcevable. Pour essayer de comprendre quelque chose à ce qui restera à jamais incompréhensible jusqu’à notre tour. La question du pourquoi paraît dérisoire face à ça. Hier, je chantais « aujourd’hui fête et demain le hasard » sans savoir que ça tomberait sur toi… Hier j’écrivais un texte sur une maison sans savoir que la tienne, la dernière s’appellerait tout simplement « la Maison ».

Ton fils, me disait le soulagement - presque le bonheur – que tu aies vécu tes dernières semaines, tes derniers jours dans ce lieu si différent de l’hôpital. Tandis que ton fils préparait du thé, chez toi, je repensais au café que tu me préparais toujours dans ces cafetières italiennes – tu en avais de toutes les tailles mais souvent la plus petite suffisait à nos deux tasses – les autres préférant d’autres breuvages. Le café que tu servais souvent dans des verres. Le thé de ton fils est délicieux. Mais ton café me manque, Lazhar. Ainsi que ton sourire.

Un vrai sourire avec les yeux, deux beaux éventails à chaque coin. Je ne venais jamais pour te voir, toi. Au mieux, je venais pour vous voir tous les deux. Mais c’était plus avec toi que je discutais bouquins, philo, ou musique. Ton sourire encore sur les photos – je m’entête à retrouver celle de notre sortie rafting sur l’Ubaye – avec les enfants encore petits, à la mer pour des pique-niques nocturnes, ou au lac d’Esparron. Pas de photos pour les rires quand on jouait à la contrée au camping, les enfants ne dormaient pas de toute façon. Nous les filles, faisions toujours semblant de ne plus savoir les règles.  Les images se succèdent, tu as toujours le sourire. Ton sourire et l’été. Tu restes lié à cette saison. Le sourire et l’insouciance de l’été. C’est l’été que je te voyais le plus. Je le regrette maintenant, mais la dernière fois que je t’ai vu, c’était en août dernier. Tu avais l’air si gai, si fort, je pensais que l’on aurait largement le temps, large-ment. Que la maladie te laisserait du temps. Que tu la désarmerais de ton sourire bienveillant. Que tu lui offrirais un café et commencerais à discuter avec elle. Du coup elle oublierait ce qu’elle était venue faire, mais non.


Triste mois de mai qui commence.


5 commentaires:

  1. si navrée pour vous - parce qu'on le sent un peu cet inconnu dans cet hommage/souvenir et qu'on le regrette

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  2. Touchant. Pensées douces chère Christine.

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  3. touchée par ta tristesse, Christine

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  4. Très beau texte Mel, merveilleux hommage pour un qui s'en va.... encore....
    Mais où Est-ce que tout le monde s'en va ?
    Espère...
    Lu...
    Ette

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  5. oui, avec ces mots-là, le voyage tourne autour du coeur.

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