mercredi 7 décembre 2016

Leçon du réal /5




on pourrait tout simplement coulerde source plutôt que se la… douce
désapprendre la vieillesse à venir, le pas lent et vieux et fragile, pas encore, ou alors à choisir, la lenteur.
désapprendre la lumière de l’instant passé, à tout prendre, ne garder que le ténu, le rien ou presque
le pas, puis l’autre, au milieu – la chute est possible – suspendre le possible

le Réal conduit tes pas à l’inhabité
ouvrir une parenthèse : les quatre sirènes de Mallevieille - chacune a pignon sur rue et sur Réal – quatre sirènes regardant passer le fantôme de la malleposte  - fermer la parenthèse : une autre sirène, stridente, vrille les feuilles du tilleul.

au virage - ni vire ni rage – 
désapprentissage demande halte - pour ce que l’on a désappris fasse chemin en soi – là encore le pas en soi comme amorce de chute
raisonnement inutile – on pose le sac à raison à côté
on se désencombre
on donne congé au bon sens 
libre cours à ce qui s’ouvre…

Un arbre ne te dit pas son nom, mais son écorce à toucher, à lire dans ses lignes toutes les autres mains à lire accordées.
Il ne t’apprend pas son nom mais te donne tous ses automnes bouton d’or rouge-gorge.
Pas de nom mais le goût vert des pommes à pleines dents.
Quant au ruisseau, il te ruisselle une mélodie qui rappelle un lointain…
Habiter le virage maintenant et le garder dans son sac à mémoire pour après le virage

se lever se remettre en marche –désapprendre encore à écrire assise – écrire ce pas qui glisse et amorce une chute dans le Réal - ou le réel –

et puis encore
désapprendre à lire les lettres rouges Le Réal/Pêche/Gardée/Non affilié au club halieutique – c’est quoi halieutique ?
glop glop ricoche la rivière
« glop pas glop » s’amusait l’enfance au bord de l’eau
PLOC ! PLOC ! – deux gros plocs – pas d’anthropomorphisme, moi je veux bien, mais les arbres ne sont-ils pas de grands enfants à jouer à celui qui fera le plus gros ploc dans l’eau ? Les chênes surtout avec leurs glands, dénonce-t-elle

et puis encore
lianes et lierres qui veulent se faire aussi grosses que les troncs enlacés

et puis encore
feuilles de lumière tombant comme des notes de musique mais en silence

et puis encore
le vent qui s’enfle dans les feuillages au dessus du Réal, couvrant toute velléité de voix humaine

et puis encore
torticolis bleu du ciel au-dessus du vert et du jaune

désapprendre prend du temps 
temps de rentrer

temps de mettre un point.

Texte: Christine Zottele
Photo: Delphine Eyraud

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