dimanche 12 mai 2013

les sphinges




Sur la plage du Roucas Blanc, j’ai vu danser des êtres hybrides, hommes et femmes-machines. J’ai vu d’abord le fin gravier se soulever dans le mistral. J’ai entendu le vent couvrir celui des vagues, ce formidable vacarme couvrant celui de la foule des spectateurs. J’ai vu les engins à l’arrêt, dans l’attente de. Seul le sable dansait, installant une sorte de suspens dans l’air bleu. Les danseurs ont rampé sur le côté veillant à ne pas écraser les traces des roues avec l’empreinte de leurs pas. Trois garçons, trois filles. La musique est sortie des haut-parleurs. Les tractopelles ont ouvert le bal.



Le ballet bien réglé des machines semblait indépendant de celui des danseurs. Elles décrivaient des courbes et des lignes bien précises, sans à-coups, sans soubresaut, d’une force placide et irrésistible. Les danseurs, d’une énergie plus bondissante, d’un rythme plus heurté, déployaient toute leur force animale, jouant du sable, du vent, de leurs partenaires. Rien de mécanique en eux. La dramaturgie se fit plus oppressante. Souffle suspendu, j’ai vu une tragédie grecque sur le sable de la Méditerranée. Deus ex machina.


Alors les machines ont dansé avec les danseurs, elles sont devenues humaines, d’abord facétieuses et enfantines, puis agressives, violentes,  cruelles,  des loups pour les hommes. Lupus ex machina. La mécanique huilée du corps des danseurs a tenté de répondre à l’assaut. Variations de feintes et de fuites. La chorégraphie a développé toutes les combinaisons : hommes en lutte avec les machines, machines fusionnant avec les femmes, puis avec les couples,  à la fin ne restaient que trois monstres sur la plage du Roucas Blanc. Trois magnifiques monstres. Et le silence. 



   les photos (sauf une) sont de Philippe Marc et ont été prises hier  (11 mai) lors du spectacle "Traction" de la compagnie Motionhouse (Royaume Uni) sur la plage du Prado à Marseille dans le cadre de "La folle histoire des arts de la rue".
N.B. un grand merci Philippe pour ces images que j'ai dû réduire malheureusement...

2 commentaires:

  1. oh que j'aurais aimé ça ! oh que j'aime ça raconté !

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  2. D3 admirato-perplexe Oui ,j'aurais aimé ça ! Force de tragédie ,les dragons et les fragiles humains ( j'ai peur de ces machines ,mais elles sont fascinantes ,a l'oeuvre )
    Merci pour le texte si proche de l'essence du spectacle ,et au photographe , sans qui ......

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